
M. GEORGES MARCHAIS,
Président de la Commission Internationale de Défense des Droit de l’Homme
Monsieur le Président,
Nous avons adressé il y a maintenant deux semaines la pétition suivante dont le texte a été amendé. Jusqu’à ce jour aucune réponse ne nous est parvenue, peut-être n’avez-vous même pas reçu la lettre à la suite d’une défaillance de la poste.
Nous vous joignons une copie de cette lettre.
Nous nous permettons d’insister car nous avons eu depuis des témoignages sur les tortures dont sont l’objet les personnes arrêtées pour délit culturel. On ne peut leur reprocher rien d’autre qu’un délit d’opinion puisque la majorité des personnes emprisonnées, notamment les 24 qui vont être traduit clandestinement devant la Cour de Sûreté de l’Etat ont été arrêtées avant le 20 avril 1980, c’est à dire avant les affrontements de Tizi-Ouzou.
Nous sommes sûrs que vous ne pouvez ni approuver ni cautionner par votre silence la torture comme instrument de répression d’une revendication dont la légitimité et la base populaire soit reconnue par tout le monde.
Nous vous adressons M. le Président un appel angoissé pour que votre voix se fasse entendre en faveur de nos frères qui crient sous la torture.
Veuillez agréer, M. le Président, nos sentiments fraternels et militants.
Paris, le 22 mai 1980
Le comité International de Soutien aux Victimes de la Répression en Algérie
c/o rvue ESPRIT,
19, rue Jacob,
750006 Paris.
Maître Mécili réagit sur TF1 à propos des événements d’avril 1980 en Kabylie
Propos recueillis par Christian Brancourt
Déclaration de Maître A. Mecili au nom du F.F.S. à T.F.1 (avril 1980)
Christian Brancourt a rencontré à Paris Maître A. Mecili.
Je dirai d’abord qu’il ne s’agit pas d’un problème spécifiquement kabyle. La population de Kabylie fait partie d’un ensemble qui s’étend d’un bout à l’autre de l’Algérie et du grand peuple berbère dont l’histoire remonte à la plus haute antiquité.
Les Berbères s’appellent d’ailleurs "Imazighen" ce qui veut dire "Hommes libres". Il y a dans cette définition tout un programme politique.
Les Imazighen sont d’abord et avant tout fondamentalement attachés à la démocratie : voilà pour la dimension historique et politique du problème.
Question : Il s’agit donc d’une question de langage ?
Maître A. Mecili : Les Berbères à travers la défense d’une forme de langage défendent des institutions démocratiques qui remontent à la plus haute antiquité.
Question : Est-ce que ces manifestations risquent de s’étendre à d’autres régions de l’Algérie ?
Maître A. Mecili : Ces événements se sont déjà étendus puisqu’il y a eu des motions de soutien qui ont été votées dans diverses universités. Les régions arabophones situées en dehors de la zone berbérophone de Kabylie ont également réagi positivement puisque l’université d’Oran, qui se trouve à l’extrême ouest de l’Algérie, a affirmé sa solidarité pleine et entière avec l’Université de Tizi-ouzou en lutte.
Il y a eu des manifestations à Sidi-Belabas, à Batna, vous voyez donc que le mouvement tend à prendre une ampleur qui n’est pas simplement régionale, mais qui devient nationale pour que les Algériens puissent exercer effectivement leur droit à l’autodétermination
Tract du CDDCA diffusé le 7 avril 1980 à Paris
Lors du rassemblement auquel il avait appelé.
Comité de Défense des Droits Culturels en Algérie
Compatriotes et Amis,
L’appel à ce Rassemblement du 7 avril lancé par le Comité de Défense des Droits Culturels est d’abord un geste important de solidarité aux manifestants de notre pays qui se sont jetés dans la rue malgré l’omniprésence d’un puissant appareil répressif. C’est ensuite un mouvement conscient d’Algériens responsables, qui s’inscrit dans une série de luttes que notre peuple a mené depuis toujours et mène encore contre l’arbitraire et les mesures répressives instituées par les gouvernements successifs de notre pays.
Aujourd’hui, ouvriers et intellectuels émigrés, à l’instar de nos compatriotes restés sur notre sol, nous nous élevons contre toutes mesure visant à diviser notre peuple et à nier l’identité culturelle de la nation algérienne dans sa diversité.
Nous savons tous que l’interdiction de la conférence du 10 mars que devait tenir l’écrivain Mouloud Mammeri n’est qu’un maillon de toute une chaîne ininterrompue de brimades que notre peuple subit depuis longtemps. Les exemples d’une aussi sinistre politique totalitaire et répressive sont nombreux et pour n’en citer que quelques uns, rappelons :
- la suppression de la chaire berbère de l’Université d’Alger (1973) ;
- la "fête des cerises" à Larba N’ath Iraten : 3 mort (1974) ;
- l’arrestation de jeunes, les détentions sans procès, les incorporations d’office dans l’armée (Seddouk 1974) ;
- l’interdiction de manifestations culturelles en arabe algérien et en berbère : Kateb Yacine, Ait-Menguellat, Idir, Imazighen Imula, etc. ;
- l’interdiction de quitter le territoire national à des chanteurs mozabites et touaregs devant participer au 1er festival de la chanson berbère à Paris (juin 1979) ;
- l’arrestation récente des chanteurs du groupe Azrou (Aures, janvier 1980 )...
Toutes ces mesures sont l’œuvre du pouvoir d’Alger qui exclut le peuple entier des décisions le concernant et conduit l’Algérien à toutes formes d’aliénation.
Face à cette situation qui s’aggrave de plus en plus, le gouvernement en place, seul responsable de notre misère culturelle et de la négation de notre identité, répond aux aspirations légitimes de notre peuple par une aveugle répression. C’est pourquoi, le Comité de défense des Droits Culturels en Algérie, avec le soutien de toutes les forces de justice ici présentes,
1° dénonce
la monopolisation des décisions, la politique d’aliénation culturelle ;
2° exige l’arrêt et l’annulation immédiates des mesures de détention pour activités culturelles ;
3° exige l’enseignement des langues maternelles en Algérie ;
4° s’élève contre le quadrillage policier de la population ;
5° se solidarise avec les manifestants à l’intérieur de notre pays dans leurs luttes pour le développement des cultures populaires (berbère, arabe algérien ) ;
6° appelle l’opinion publique algérienne et internationale à soutenir nos luttes pour le respect des libertés démocratiques et la reconnaissance des droits culturels inaliénables.
Paris, le 7 avril 1980
AZAGLU ALA - ANZRREZ WALA ANEKNU ! (Halte à la répression !)
TAMESLAYT NNEGH DI TMURT NNEGH (Le berbère à l’école)
YAL AGDUD YEHDAJ TILLELI (Pour les libertés démocratiques)
YIWEN USALAS UR ISALAY AXXAM (Pour l’unité populaire dans la diversité)
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